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III – Le bas Moyen-Age : les légendes

Nous n’avons guère de renseignements ensuite sur Senneville au Moyen-Age. Cependant, de cette période,
demeurent de délicieuses légendes que nous vous racontons telles que nous les a rapportées Emile Reyboulet.

  • Légende du Seigneur de Senneville.
    "Il était une fois, à Senneville, un seigneur immensément riche. Cependant, il n’était pas heureux.
    Il avait tant fait de mal, tant maltraité ses vassaux que sa conscience était bourrelée de remords.
    Un moine de Secval a qui il raconta sa vie et confia son désespoir lui conseilla de partir pour la
    croisade. Il écouta cet avis si sage et se prépara à partir. Tout allait bien ; une seule chose le gênait :
    que faire de toutes ses richesses, de tout son or ? Il ne pouvait songer à l’emporter avec lui.

    Il fit venir un maçon du pays pendant la nuit et sous les menaces les plus terribles, lui fit jurer de
    garder le secret de sa venue au château. Enfin, il lui banda les yeux et alors commença une
    interminable promenade à travers de longs couloirs où il faisait frais, et d’effroyables montées et
    descentes d’escaliers souterrains. Arrivé à un certain endroit, il le força de creuser un grand trou et de
    le maçonner intérieurement. Quand l’ouvrage fut terminé, le seigneur y fit mettre toute sa fortune, ainsi
    qu’une poule et ses douze poussins en or massif. Le trou fut fermé par une maçonnerie et, tout étant
    fini, le maçon, les yeux bandés, repartit derrière le maître en faisant encore mille détours et
    franchissant de nombreux escaliers. Ils se retrouvèrent devant la grille du château à la nuit noire.
    Là, le seigneur fit renouveler ses serments à l’ouvrier et, l’ayant débandé, lui donna quelques pièces
    d’or pour sa peine avec promesse de lui en donner davantage à son retour de Palestine. Ils avaient
    passé plusieurs jours sous terre.

    Le seigneur de Senneville ne revint point de son pèlerinage ; le maçon causa et malgré les recherches
    pour découvrir ce trésor, celui-ci git encore dans les profondeurs du clos de Senneville qui était la
    propriété du seigneur en ce temps là".

  • Légende de la fondation de Saint-Germain de Secval.
    Le seigneur Henri de Guerville raconte lui-même la fondation de la chapelle en 1162 :
    "Sachent tous présents et à venir qui verront ces lettres que moi, Henri de Guerville, seigneur du même
    lieu, étant captif en la ville de Nègrepont, les Sarrazins me lièrent et me garrotèrent, puis
    m’enfermèrent dans un grand coffre avec le curé de Guerville. Alors, je fis vœu et promis à Dieu, à la
    bienheureuse Vierge Marie et au bienheureux Saint-Germain, que si jamais je pouvais revenir en France,
    et surtout dans les terres de mon domaine situé dans la paroisse de Guerville, je fonderais et bâtirais
    une église en leur honneur.

    Et pour tant qu’avoir fait ce vœu, en l’espace d’un seul jour, moi et le dit curé de Guerville, nous nous
    sommes trouvés transportés par l’aide de Dieu, de la bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Germain,
    sur une petite colline ; je l’ai consacrée à Dieu, à la bienheureuse Vierge Marie et à Saint-Germain, et
    je lui ai donné le nom de Saint-Germain de Secval. J’ai donné ensuite à cette église deux cents arpents
    de terre situés dans mon domaine et dans la paroisse de Guerville, avec les dîmes, grosses et menues,
    de ces deux cents arpents de terre".
    Ceci est la légende, mais Saint-Germain de Secval fut bien fondé par Henri de Guerville au XIIème
    siècle. Il donna la chapelle, les terres et dîmes à l’abbaye Notre-Dame de Clairefontaine qui les posséda
    jusqu’à la Révolution. Cette fondation fut confirmée par une charte de Philippe-Auguste de 1186 qui
    existe aux Archives.

    La chapelle actuelle, sur l’avancée de la colline séparant Senneville de la Plagne, est un édifice du
    XIIème siècle, assez petit (7m sur 5m environ) mais plein de charme. A l’intérieur, quelques beaux
    chapiteaux, un groupe sculpté représentant le baptême du Christ, forment un ensemble intéressant. Mais certaines fenêtres ont été bouchées et une partie des bâtiments est très délabrée.

    Jusqu’à la Révolution, la messe y était célébrée tous les dimanches ; elle l’était encore une fois par an,
    le jour de la Saint-Germain, jusqu’en 1947.

9 Chapelle de Secval – état actuel (1973)        10  Vue intérieure de la chapelle de Secqueval

Voici ce qui s’y passait le 25 décembre :
"Près des caves de la chapelle Saint-Germain de Secval, le passant attardé pendant la nuit de Noël entend sortir des profondeurs de la terre un grand bruit métallique. S’il a la curiosité et surtout la hardiesse d’entrer dans ces caves au moment des douze coups de minuit, il est sûr de les trouver éclairées par une lumière éblouissante et de voir luire une immense chaudière toute remplie d’or.
Devant un tel spectacle, il se trouve transporté de crainte et d’admiration ; les sentiments les plus divers l’agitent. Il y a là, en effet de quoi rendre bien des gens heureux ; que de richesses, juste ciel ! S’il écoute l’envie qui sommeille au fond de toute âme humaine et qu’il remplisse ses poches de pièces d’or, qu’il se hâte de sortir. A peine le douzième coup de minuit aurait-il sonné qu’il se trouverait dans l’obscurité la plus profonde et se sentirait entraîné au fond de ces repaires à la merci d’un génie malfaisant".

  • Galeran IV un seigneur du XII siècle
    Un des seigneurs de Senneville, sur lequel nous possédons des renseignements, est Galeran IV,
    comte de Meulan au début du XIIème siècle. Il partit en croisade (la 2ème de 1146 à 1149).
    Un poème épique évoque le courage et les combats du héros. Le voici par exemple citant ses ancêtres
    avant d’engager le combat :

    • Par Dieu, je suis du sang du grand Charlemagne.
    • Comtes furent mes pères et j’ai pour cousin Fouques.
    • Comte Galeran, ainsi m’appelle-t-on,
    • Et je tiens du roi, Meulan et Argentan,
    • Et trois châteaux avant le Val Guyon   (la Roche Guyon)

Mais les habitants de Senneville connurent–ils ces vers ?
C’est vraisemblable, car légendes, récits épiques étaient racontés aux veillées. N’est-ce pas un
plaisir, quand on est Sennevillois "de souche", d’imaginer un de ses lointains ancêtre récitant ces
poèmes, s’émouvant au récit de la mort de Galeran :

    • De son sang furent arrosés les champs
    • Tout en fut teint : son haubert, sa cotte de mailles
    • Loin du buste la tête à quinze épans   (mesure d’une main)
    • Très malheureux en furent et Guillaume et Bertrand,  Guichart et Fouques…

C’est pour cela que nous avons parlé de Galeran IV qui ne dut guère, durant sa courte vie, se
préoccuper beaucoup de Senneville. C’était une toute petite seigneurie ; on en parle donc très
peu et nous n’avons pu faire de recherches assez détaillées (peut-être auraient-elles été vaines)
pour pouvoir reconstituer la liste des seigneurs de Senneville.

  • Existence de pierres tombales.
    En 1890, on découvrit à Senneville deux stèles avec des inscriptions hébraïques, datant du XIVème
    siècle. Elles étaient incluses dans la paroi de la cavité dans laquelle tournait la roue du moulin
    appartenant à Monsieur Joseph Thévenon, en bas de la côte des moulins.
    Elles existent toujours, mais ont été cachées par suite de travaux.
    Ces stèles ne prouvent pas l’existence d’une communauté juive à Senneville.
    Il est beaucoup plus vraisemblable qu’elles ont été apportées (par quelle voie, on l’ignore) bien
    postérieurement à leur date. Rappelons qu’il y avait au Moyen-Age, une importante communauté juive
    à Mantes.